Les fromages et la gastronomie française font indéniablement partie du patrimoine vivant de l’Humanité
Beaucoup d’efforts ont été déployées ces dernières années pour protéger le patrimoine fromager, par exemple au niveau européen qui empêche aujourd’hui un Etat membre d’interdire l’usage du lait cru.
Mais ces mesures de sauvegarde ne sont pas suffisantes. L’industrialisation et la concentration des productions fromagères mettent en péril notre patrimoine commun.
Les techniques de pasteurisation, de thermisation ou de microfiltration ont un impact négatif sur le goût de nos fromages. Il est prouvé que l’animal et son alimentation ont un effet important sur les caractéristiques sensorielles des fromages. L’orientation ou l’altitude d’un alpage, qui se traduit par des compositions floristiques très variées conduit à des différences de texture et de flaveur des fromages.
Une étude menée par l’INRA sur la comparaison de fromages au lait cru et au lait pasteurisé a montré, après quatre mois d’affinage, des différences significatives. Une baisse de l’intensité du goût, de la typicité, de l’acide piquant ainsi qu’une augmentation de l’amertume et du mauvais goût ont également été observées dans les fromages pasteurisés. Il est unanimement reconnu que les fromages au lait cru présentent une richesse floristique et aromatique inégalée. Plus la flore est variée, moins un organisme néfaste à de chance de s’implanter.
L’avenir du fromage au lait cru dépend de la vigilance de la filière, de sa mobilisation, de celles des pouvoirs publics et, surtout, du pouvoir de persuasion de nos représentants auprès des instances internationales. Les industriels utilisent largement les ferments afin de reproduire la typicité d’un fromage après la pasteurisation. Le risque est énorme car l’usage massif des ferments aboutit à des fromages standardisés et ne permet pas de reproduire la richesse aromatique et la diversité des terroirs. Notre patrimoine fromager est donc en péril.
C’est pourquoi, nous devons tous soutenir la démarche d’inscription de la gastronomie française, et entre autre de nos fromages, au patrimoine culturel immatériel auprès de l’UNESCO.
Il s’agit avant tout d’une reconnaissance que la gastronomie française, et notamment les fromages français ont un apport considérable dans la créativité humaine et les liens communautaires. Nous devons sensibiliser les nouvelles générations aux dangers de la mondialisation qui s’accompagne d’une standardisation des goûts et des cultures.
Le rôle des productions fromagères françaises dans la diversité culturelle et la richesse des savoir-faire est capital pour l’avenir des peuples, toujours en quête d’identité. L’appauvrissement de la gastronomie aura un impact sur la perte des valeurs identitaires de nos peuples et donc sur le creuset de la Nation.
L’inscription de la gastronomie française, et entre autre de nos fromages, au patrimoine culturel immatériel auprès de l’UNESCO, doit permettre la mise en œuvres d’actions concrètes :
• Valorisation du métier et formation des nouvelles générations.
• Accroitre la différenciation du statut des petits producteurs de fromages, permettant de baisser les charges qu’ils supportent, voir de les soutenir.
• Inclure l’histoire du patrimoine vivant du fromage dans les programmes scolaires.
• Respect des traditions orales.
• Soutien des fêtes, rites et traditions populaires autour du fromage.
• Veiller à limiter l’influence des groupes industriels sur l’identité des productions fromagères, par exemple dans la rédaction des cahiers des charges ou dans leurs initiatives de protections juridiques intéressés sur le patrimoine vivant via les AOC, les IGP ou les labels.
• Limiter la standardisation des goûts de nos fromages par l’usage massif des ferments et du traitement thermique du lait dans la fabrication de fromage en soutenant la filière fermière au lait cru.
• Tolérances dans le contrôle réglementaire, notamment en terme d’hygiène, souvent inadaptée aux petits producteurs. Le coût des analyses microbiennes sur les petites productions de fromages au lait cru est très difficile à supporter – alors que la diversité microbienne contribue à entretenir une compétition bénéfique pour notre flore intestinale. La médiatisation à outrance des risques sanitaires met en péril notre patrimoine fromager. Il convient de reconsidérer notre analyse des risques à la lumière de l’apport culturel et identitaire.
Les fromages et la gastronomie française font indéniablement partie du patrimoine vivant de l’Humanité. Battons-nous pour sa reconnaissance internationale.
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Actualité : Le 19 Novembre 2010, le comité intergouvernemental de l'UNESCO, présidé par le Kenyan Jacob Ole Miaron et réuni à Nairobi, après plus de 2 ans d'instruction du dossier, a définitivement inscrit le "repas gastronomique des français" au patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Il s'agit d'une consécration pour la gastonomie française, et le fromage y trouve tout naturellement sa place, puisqu'il est évoqué dans la succession de plats faisant partis de ce "repas gastronomique". Preuve que cette démarche abouti à une sorte de "sursaut culturel".
Voici le texte retenu par l'UNESCO : "Le repas gastronomique des Français est une pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles. Il s’agit d’un repas festif dont les convives pratiquent, pour cette occasion, l’art du « bien manger » et du « bien boire ». Le repas gastronomique met l’accent sur le fait d’être bien ensemble, le plaisir du goût, l’harmonie entre l’être humain et les productions de la nature. Parmi ses composantes importantes figurent : le choix attentif des mets parmi un corpus de recettes qui ne cesse de s’enrichir ; l’achat de bons produits, de préférence locaux, dont les saveurs s’accordent bien ensemble ; le mariage entre mets et vins ; la décoration de la table ; et une gestuelle spécifique pendant la dégustation (humer et goûter ce qui est servi à table). Le repas gastronomique doit respecter un schéma bien arrêté : il commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert. Des personnes reconnues comme étant des gastronomes, qui possèdent une connaissance approfondie de la tradition et en préservent la mémoire, veillent à la pratique vivante des rites et contribuent ainsi à leur transmission orale et/ou écrite, aux jeunes générations en particulier. Le repas gastronomique resserre le cercle familial et amical et, plus généralement, renforce les liens sociaux."